Abstention

Les libanais, toutes tendances confondues, n’attendraient donc qu’une seule chose, savoir si le premier ministre sera candidat. Rien de plus vrai ! Voilà des jours – que dis-je, des semaines voire des mois ! – que je ne dors plus. J’ai tout essayé ; des somnifères aux tranquillisants en passant par les tisanes-maison, rien à faire. Mes nuits se passent, blanches comme mes jours, à compter les moutons, me demandant si M. Sanioura va se présenter, ou pas, aux élections. Mais bien sur… Alors au risque de vous décevoir, chers éditorialistes et autres plumes de L’Orient et d’ailleurs, je n’en ai, personnellement, rien à faire. Et pourtant je suis libanais (pas plus, mais certainement pas moins que vous), et j’appartiens sans doute à l’une des « tendances confondues » mentionnées.

Et pourtant… Non seulement je n’en ai rien à faire, mais je n’irai pas voter le 7 juin.

Je n’irai pas voter parce que vos discours sur les « projets d’Etat diamétralement opposés » ne me font aucun effet, vos accusations de trahison suprême (en ne votant pas) me laissent de marbre. L’adage veut que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et c’est bien pour les mêmes causes que vous nous demandez aujourd’hui de voter. Que ce soit d’un côté ou de l’autre, ce sont les mêmes candidats, invariablement, dont les portraits commencent à fleurir. Alors, que les libanais désignent les uns ou les autres, ceux-ci choisiront le même, inamovible, au perchoir, lui laissant le soin d’ouvrir et de fermer les portes de l’Assemblée à sa guise. Ils passeront ensuite de longs mois à s’entre-déchirer pour la répartition des ministères « souverainistes » et « de service », iront peut-être se faire réconcilier par quelque voisin, dirigeant de droit-divin, avant de former un gouvernement de désunion nationale dont quelques-uns (ou quelques-autres, selon qui l’emportera) pourront bloquer les décisions à loisir.
Et, pendant ce temps, rien ne changera pour nous, les libanais toutes tendances confondues. L’électricité continuera à être rançonnée (pardon, rationnée), les prix à flamber, les impôts à renflouer des caisses occultes, les routes à êtres creusées et recreusées (enrichissant certains au passage), la frontière sud à crépiter, les censeurs à sévir, les jeunes à émigrer, et j’en passe et des meilleures.
Alors non, le 14 mars n’aura pas mon vote. Le 8 mars non plus.

Zahi Jamous 

PS : Toute réflexion faite, je voterai  et je donnerai mon sang et mon âme jusqu’aux prochaines élections pour celui qui viendra goudronner la route devant chez moi (contacter le journal, qui transmettra). Que voulez-vous, on ne nous change pas…