La grippe A(H1N1) en 10 questions

La grippe A(H1N1) en 10 questions

L'émergence, depuis la fin avril 2009, d'un nouveau virus de grippe soulève de nombreuses interrogations. Si l'incertitude perdure pour plusieurs d'entre elles, on peut d'ores et déjà apporter des éléments de réponse. Tour d'horizon de la situation en dix questions.

1. Qu'est-ce que la grippe A(H1N1) (aussi appelée à tort grippe porcine ou grippe mexicaine) ?

Chez les porcs, la grippe est une maladie infectieuse récurrente, qui contamine régulièrement les élevages ; elle est généralement provoquée par des virus de type A et de sous-type H1N1 (surtout), H1N2, H3N1, ou H3N2.

Le virus à l'origine de la flambée épidémique actuelle appartient au sous-type H1N1, mais était inconnu jusqu'à présent. Les virus de la grippe subissent sans cesse des réassortiments génétiques, dans les porcs ou les volailles. Ce processus évolutif, complémentaire des mutations que connaît tout virus, est en relation avec la particularité du génome de la grippe, constitué de huit fragments d'ARN. Lorsque deux virus de souches différentes infectent la même cellule, un nouveau virus peut être produit à partir de segments d'ARN issus de ces deux souches. Dans le cas présent, le virus qui circule en Amérique du Nord résulte de réassortiments très complexes de gènes viraux d'origine humaine, aviaire et porcine (on parle de « triple réassortant »), résultat de co-infections des porcs. Le virus actuel est l'adaptation d'un virus porcin à l'homme.

Ce type d'infection de l'homme à partir d'un virus grippe d'origine porcine n'est pas inédit : en 1988, par exemple, un Américain du Wisconsin est mort d'une grippe d'origine porcine, et l'on a compté 12 cas dans ce pays depuis 2005.

2. Quels sont les signes de la maladie ?

La grippe mexicaine se caractérise par un « syndrome respiratoire aigu brutal » alliant une fièvre supérieure à 38 °C et/ou des courbatures et/ou une fatigue avec des signes respiratoires telles qu'une toux ou des difficultés à respirer. Tous les virus grippaux peuvent déclencher ces symptômes. On ne doit donc suspecter une infection par le virus d'origine nord-américaine que si la personne a séjourné dans une région où a circulé le virus (Mexique, Californie, Texas, initialement) dans les sept jours qui ont précédé l'apparition des symptômes, ou si elle a eu un contact étroit au cours des dernières 24 heures avec une personne qui a pu être infectée.

Pour confirmer une infection, un test de l'Institut Pasteur permet de révéler la présence du nouveau virus en s'affranchissant des étapes de séquençage du génome viral, et d'obtenir un résultat en 12 heures, au lieu des 24 heures précédemment requises.

3. Que faire en cas de symptômes rappelant la grippe ?

En France, le ministère de la Santé et l'Institut de veille sanitaire publient chaque jour des recommandations sur les conduites à tenir. En cas de suspicion de grippe, ne vous rendez pas directement aux urgences : il faut impérativement appeler le Samu (le 15), qui vous aiguillera vers le service adapté.

4. Ce virus se transmet-il facilement ?

Comment ce virus est-il passé à l'être humain ?
Aucun foyer épizootique n'a été signalé au Mexique ou aux États-Unis chez les porcs, contrairement au cas de la grippe aviaire (virus H5N1), lié à une épizootie chez les volailles. On ignore encore l'origine exacte de l'épidémie, même si l'un des premiers cas répertoriés est celui d'un enfant qui vivait à quelques kilomètres d'un élevage de porcs, à la Gloria (province de Veracruz).

Se transmet-il facilement ?
Le virus se transmet d'homme à homme. Une première analyse globale de l'épidémie, publiée dans la revue Science le 11 mai par un groupe international sous l'égide de l'OMS, permet de préciser la transmissibilité interhumaine. Selon un modèle statistique prenant en compte les cas déclarés dans divers pays, tous originaires du Mexique fin avril, entre 6 000 et 32 000 personnes auraient été infectées dans ce pays, à partir d'une origine remontant à la mi-janvier 2009, le premier cas signalé datant du 15 février. Le taux de transmission du virus dans la population serait de 1,2 à 1,6, chiffre à comparer à ceux de la grippe saisonnière et de la grippe espagnole, de 1,2 et de 2 respectivement.

Comment contracte-t-on l'infection ?

La transmission interhumaine se fait, comme pour toute grippe, par les postillons, les contacts directs et les contacts manuels de divers supports sur lesquels le virus peut survivre quelques heures (poignées de porte, tables, etc.). D'après les Centres américains de contrôle des maladies (les CDC), la période d'incubation serait comprise entre un et quatre jours. Les personnes infectées seraient contagieuses 24 heures avant le début et jusqu'à la fin des symptômes, voire encore une semaine après. Les enfants seraient contagieux plus longtemps.

5. Quelle est la virulence du virus ?

Les victimes sont surtout de jeunes adultes, alors que la grippe saisonnière, qui tue plusieurs centaines de milliers de personnes chaque année dans le monde, est, dans les pays industrialisés, mortelle surtout parmi les personnes âgées de plus de 65 ans (qui représentent 90 pour cent des décès). Les jeunes enfants sont également très sensibles à la grippe annuelle.

L'enquête menée à New York a donné des indications plutôt rassurantes. Les symptômes présentés par 44 lycéens étaient proches de ceux d'une grippe saisonnière, et leur évolution est apparue normale : seuls trois cas se sont aggravés temporairement.


D'après l'analyse publiée dans Science le 11 mai, la grippe A(H1N1) d'origine nord-américaine a bien un caractère pandémique, mais serait de moindre gravité que la grippe espagnole de 1918 ou que la pandémie annoncée de grippe aviaire. Calculé sur la base des cas confirmés et suspectés, le taux de mortalité, dans la phase initiale de l'épidémie, serait plus faible que celui de la grippe de 1918 mais comparable à celui de l'épidémie de 1957, soit environ 0,4 pour cent (entre 0,3 et 1,5 pour cent). Si l'on ne prend en compte que les cas confirmés, le taux de mortalité ne serait que de 0,03 à 0,15 pour cent.


Reste les projections pour l'avenir. Neil Ferguson, épidémiologiste à l'Imperial College de Londres et signataire de l'article de Science, estime que le retour possible de l'épidémie à l'automne pourrait toucher 30 pour cent de la population, contre 10 pour cent pour la grippe saisonnière. Pour un pays de 60 millions d'habitants comme la France, cela signifierait que 18 millions de personnes seraient malades. Avec un taux de mortalité de 0,3 pour cent, 54 000 décès surviendraient ; soit cinq fois plus qu'une année normale et, contrairement à la grippe saisonnière, en frappant surtout des enfants et de jeunes adultes. Attention toutefois, ce chiffre n'est qu'une estimation fondée sur des épisodes pandémiques passés, et l'on ignore quelles seront les caractéristiques du virus qui pourrait resurgir à l'automne. Par ailleurs, cette projection ne tient pas compte de l'intervention des services de santé et de l'utilisation des antiviraux, dont la France dispose et que l'OMS a commencé de distribuer dans les pays en développement. Enfin, un vaccin pourrait être disponible dès l'automne.

 

6. Existe-t-il un traitement contre ce virus ?

Un antiviral, l'oseltamivir (Tamiflu), est efficace pour traiter l'infection dès l'âge de un an, et le Zanamivir (Relenza) en traitement au-delà de sept ans et en prévention dès l'âge de cinq ans. Ces médicaments, vendus sur prescription, ne doivent être pris qu'en cas de diagnostic positif posé par un médecin ou si la personne risque d'avoir été exposée au virus.

En France, des stocks de ces médicaments ont été renouvelés fin 2008 et pourraient couvrir les besoins de la moitié de la population.

Le traitement doit commencer dans les 48 heures suivant le début des symptômes. Il est inutile de prendre ces médicaments en traitement préventif sans nécessité. Une consommation excessive risque de sélectionner des virus résistant à ces antiviraux.

7. Quels sont les gestes à faire au quotidien pour prévenir une infection ?

- Peut-on manger de la viande de porc et des produits dérivés ?
Le virus ne se trouve pas dans le muscle, donc pas dans la viande. Selon l'OMS, le virus est tué par des températures supérieures à 70°C et ne trouve pas dans les produits dérivés du porc. Les mesures d'abattage de porcs sont inadaptées en l'état actuel des connaissances.

Au Canada, le virus A(H1N1) a été transmis fin avril à des porcs par un fermier de la province de l'Alberta revenant du Mexique. Il n'est donc pas impossible, selon les Centres américains de contôle des maladies et l'OMS, que de nouvelles évolutions génétiques par le processus de réassortiments des gènes se produisent dans des élevages de porcs, donnant une nouvelle souche dont leur pouvoir pathogène pour l'homme est imprévisible. Pour cette raison, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) exhorte les autorités nationales et les agriculteurs à contrôler attentivement les élevages pour y déceler d'éventuels symptômes de grippe. Des strictes mesures de sécurité, notamment la limitation des mouvements des animaux, des marchandises et des personnes, doivent être prises dans toutes les fermes d'élevage porcin si des signes de maladies respiratoires sont décelés.

- Faut-il éviter les transports en commun ?
En Europe, en l'absence d'épidémie liée à la souche nord-américaine, les restrictions de transport ou de rassemblement sont inutiles. La seule recommandation est d'éviter encore transitoirement les voyages au Mexique, sauf nécessité.

- Quelles mesures de prévention sont efficaces ?
L'épidémie de Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) du début des années 2000 a prouvé que les masques agréés (de type chirurgicaux) sont efficaces quand ils sont bien placés sur le nez et la bouche et mis à la poubelle après usage (au bout de huit heures au maximum). On les trouve dans les pharmacies et les hôpitaux. D'autres lieux seront désignés en cas d'épidémie sur le territoire.
L'autre mesure de prévention, très efficace, est de se laver fréquemment et soigneusement les mains au savon pendant au moins dix secondes.

8. La prochaine épidémie de grippe cet hiver sera-t-elle plus dangereuse ?

Dans les pays à climat tempéré, la grippe saisonnière (novembre à mars) - il existe aussi des épidémies localisées en été - fait ordinairement plusieurs dizaines de milliers de morts chaque année. Elle pourrait être plus grave en 2009-2010 si le stock maximal de vaccins disponibles - estimé au total à 400 millions de doses, soit 7 pour cent de la population mondiale - se trouve diminué par le report des chaînes de fabrication vers la production d'un vaccin contre la grippe nord-américaine. Toutefois, cette hypothèse est peu probable puisque la production du vaccin saisonnier selon les recommandations de l'OMS est lancée et qu'il n'y a pas à court terme de stratégie de remplacement.

Il n'est pas impossible que le virus saisonnier et le nouveau virus circulent parallèlement l'hiver prochain en Europe. Il est difficile de dire si cela aurait une incidence sur la prise en charge des cas. Il faudra aussi surveiller les éventuelles résistances aux antiviraux que le nouveau virus pourrait acquérir.

Dans les pays en développement, la mortalité liée au virus « classique » est généralement sous-estimée et étalée dans le temps. Le taux de mortalité dépendra de la réaction des autorités de chaque pays, de leur degré de préparation (stocks d'antiviraux, de vaccins, de masques) et de l'assistance des pays riches.

9. Quel traitement et quelle prévention pour la femme enceinte et chez le nouveau-né ?

L'oseltamivir (Tamiflu) et le zanamivir (Relenza) n'ont pas fait l'objet d'études cliniques permettant de vérifier leur innocuité chez la femme enceinte. Officiellement, ils ne doivent pas être utilisés au cours de la grossesse ou de l'allaitement, sauf si le bénéfice escompté pour la mère est supérieur au risque potentiel encouru par le fœtus ou le bébé. Cependant, aucun effet secondaire n'a été rapporté parmi celles qui ont pris ces antiviraux ou chez les enfants nés de mères les ayant consommés.

Plusieurs études ont montré que la fièvre durant la grossesse peut être associée à un risque plus élevé d'anomalies chez le nouveau-né. Un traitement de la fièvre par paracétamol est donc recommandé.

L'oseltamivir (Tamiflu) n'a pas été évalué lors des essais cliniques pour le traitement des enfants de moins de un an. Les données rétrospectives disponibles pour le traitement de la grippe saisonnière par cet antiviral suggèrent que ses effets secondaires sont rares. Le risque mortel étant plus grand chez les enfants en bas âge infectés par un virus grippal, il est recommandé d'instaurer un traitement par l'oseltamivir adapté à l'âge et au poids du nourrisson.

10. Existe-t-il un vaccin contre ce nouveau virus ?

Le vaccin contre la grippe actuelle est-il efficace contre le nouveau virus ?
Non, a priori, car la souche mexicaine est suffisamment différente de la souche qui a servi à préparer le vaccin pour ne pas susciter de production d'anticorps neutralisants. Mais cela devra être confirmé.


Dans combien de temps disposera-t-on d'un vaccin contre cette souche ?

Avec les techniques actuelles de mise en culture de la souche virale appropriée sur des embryons de poulet, la durée de fabrication d'un vaccin est estimée à quatre ou cinq mois. Un vaccin pourrait donc être prêt pour l'automne 2009, au moment où l'épidémie aurait le plus de risques de frapper l'Europe. Des chercheurs ont annoncé des procédures de fabrication plus rapides, fondées sur l'utilisation de cellules capables de produire des particules virales en quelques semaines. Mais ces procédés doivent encore prouver leur efficacité et n'ont pas été validés.


Où en est le vaccin universel ?
Certaines équipes tentent par ailleurs de mettre au point un vaccin « universel » efficace contre toutes les souches de virus grippal de type A (le plus fréquent). Il s'agit de faire produire par l'organisme vacciné des anticorps qui entraîneraient la destruction non du virus lui-même mais des cellules bronchopulmonaires infectées. Le vaccin comprend un fragment d'une protéine, M2, qui est présent dans toutes les souches de type A. Il est fabriqué en insérant ce fragment dans une structure protéique ou à la surface de particules virales produites dans des bactéries. Deux essais cliniques de phase I ont montré que le vaccin entraîne la production d'anticorps anti-M2 chez plus de 90 pour cent des sujets vaccinés. Mais on ignore si ces anticorps protègent contre les virus grippaux.

Dans les prochaines années, seul pourra être utilisé le vaccin produit sur œufs, qui constitue le vaccin « grippe saisonnière » employé depuis 1943. Des recherches visent à remplacer ou améliorer ce vaccin, mais il n'est pas attendu de vaccins nouveaux avant plusieurs années.

 

Reference Cerveau&Psycho magazine