femmes au travail des discriminations importantes au Liban

Par Marie-José Daoud, Septembre 2009

Les femmes entrepreneuses et employées subissent davantage de difficultés au travail que les hommes, selon une étude de la Banque mondiale réalisée au Liban.

Une étude de la Banque mondiale, réalisée sur deux échantillons de la population libanaise en 2007*, montre que les discriminations envers les femmes sont toujours présentes sur le marché du travail, que ce soit pour les femmes entrepreneuses ou pour les employées.
Les femmes entrepreneuses ont davantage de mal à obtenir des capitaux que les hommes pour monter leurs entreprises ; seules 48 % d’entre celles qui ont eu besoin d’apports extérieurs pour financer leurs compagnies ont obtenu un prêt bancaire contre 64 % des hommes. Les difficultés auxquelles elles sont confrontées ne les empêchent pas d’être plus sensibles que les hommes au bien-être de leurs employés, masculins comme féminins : 50 % des entreprises dirigées par des femmes offrent des assurances maladie familiale, contre seulement 37 % pour les entreprises dirigées par des hommes.
Les femmes entrepreneuses traitent également mieux leurs employées féminines que les hommes. Dans les entreprises dirigées par des hommes, 6 % des femmes ont été confrontées à un refus concernant leurs vacances annuelles, contre seulement 0,5 % des hommes ; en revanche dans les entreprises tenues par des femmes, seules 0,53 % des demandes de congés émises par les femmes ont été refusées, contre 0,1 % pour les hommes. Les femmes entrepreneuses offrent également davantage d’opportunités à leurs consœurs : 44 % du comité de direction des entreprises dirigées par des femmes est composé de femmes, contre 23 % seulement dans les entreprises dirigées par les hommes. À noter que les femmes sont plus nombreuses dans les comités de direction des entreprises familiales. Elles ne sont en effet que 22 % à siéger dans les comités d’entreprises non familiales tenues par des femmes, et seulement 11 % dans les comités d’entreprises non familiales tenues par des hommes.

Les femmes employées, éduquées, jeunes, célibataires et sous-payées
C’est du côté des femmes employées que la discrimination est la plus flagrante. Ces dernières gagnent généralement moins bien leur vie que les hommes et on estime que 27 % de la différence de salaires est due à de la discrimination pure. Cela dit, cette différence n’existe pas chez les femmes de moins de 30 ans, notamment parce qu’elles sont en train d’investir des secteurs où les salaires sont plus élevés, comme les télécommunications. L’étude ne couvre toutefois pas le secteur bancaire, qui emploie beaucoup de femmes, mais leur offre, semble-t-il, moins d’opportunités d’atteindre des postes à responsabilité que les hommes, précise l’auteur Randa Akeel.
Pourtant, les femmes employées sont plus éduquées que les hommes : 65 % d’entre elles ont un diplôme universitaire, contre seulement 46 % des hommes. Elles sont également plus jeunes que les hommes : leur moyenne d’âge est de 31 ans, celle des hommes de 35. Et elles sont 68 % à être célibataires, alors que seuls 47 % des hommes le sont. Il semble que lorsque les femmes libanaises se marient et ont des enfants, elles sont peu nombreuses à retourner au travail. L’étude ne montre pas si c’est pour des raisons d’impossibilité de conjuguer vie familiale et horaires de travail, ou si c’est parce que ces femmes ont choisi de se consacrer à leur famille. Toujours est-il que lorsqu’elles sont interrogées, la majorité des femmes insistent sur l’importance des conditions non monétaires de leur travail : horaires flexibles, proximité des bureaux de leur maison, existence de garderies ; alors que les hommes accordent une importance première au salaire et à la couverture sociale.

Les femmes célibataires sans enfants, les plus mal loties

Les femmes célibataires sans enfants sont celles qui sont le plus victimes de discrimination au travail : non seulement ce sont elles qui travaillent le plus, mais ce sont aussi celles qui sont le plus souvent sous-payées. Raisons avancées par Akeel : elles sont censées disposer de plus de temps pour l’entreprise puisqu’elles n’ont pas de mari dont elles doivent s’occuper ; elles savent moins bien négocier que les hommes ; et, dans la société libanaise traditionnelle, ces derniers, même célibataires, sont censés avoir davantage de responsabilités financières que les femmes.
Ces célibataires sans enfants sont aussi les plus nombreuses à se voir refuser leurs demandes de congés : elles sont cinq fois plus nombreuses que les hommes à se voir refuser un congé pour un voyage imprévu ou pour des funérailles, et sont onze fois plus nombreuses que les hommes à se voir refuser leurs congés maladies. En revanche, les femmes mariées avec enfants ne subissent pas de discriminations par rapport aux hommes en termes de vacances.
La Banque mondiale conclut son étude par une recommandation au gouvernement libanais. Elle l’enjoint d’aider les femmes à intégrer le marché du travail et à y rester. Cela suppose de faciliter l’accès au crédit des femmes entrepreneuses et de développer des infrastructures pour permettre aux femmes avec enfants de travailler : horaires d’école adaptés à ceux des bureaux, congés maternité étendus, crèches, programmes extrascolaires, etc. Le pays bénéficierait non seulement d’une croissance supplémentaire, mais aussi d’une amélioration des conditions de travail des employés, puisque les femmes traitent mieux leurs employés que les hommes.

(*) Deux sondages réalisés en 2007 dans tout le Liban ont servi de base à cette étude de la Banque mondiale. Le premier a été effectué auprès de 235 compagnies, 109 appartenant à des femmes et 126 appartenant à des hommes. Le deuxième a concerné 615 employés, dont 342 femmes et 273 hommes.

Reference le Commerce Du Levant