La France a son rapport sur le coût du changement climatique

L’addition climatique sera lourde. C’est la conclusion du rapport publié fin septembre pour le compte du gouvernement français. Lancé il y a deux ans, le groupe interministériel «Impacts du changement climatique, adaptation et coûts associés en France» s’est appuyé sur le modèle Arpège-Climat de Météo-France, avec l’hypothèse que la température moyenne aura augmenté de 3°C à 4°C en 2100, par rapport à l’ère pré-industrielle. Une hypothèse pour un difficile exercice: évaluer l’addition du changement climatique pour la société française.

A supposer que la demande reste stable, le déficit en eau douce atteindrait en 2050, 2 milliards de mètres cubes par an, soit 14% de ce que la France consomme aujourd’hui pour l’agriculture, l’industrie et l’eau potable. Ce manque frapperait surtout les régions qui doivent déjà faire face à des épisodes déficitaires, comme le Sud-Ouest. La multiplication des canicules pourrait représenter, à la fin de ce siècle, un coût de 300 millions d’euros par an pour les seules cultures de blé. De la même manière, la baisse de rendements dans les prairies de la région péri-Méditerranéenne représenterait une perte de 200 millions d’euros. Les auteurs du rapport pointent également l’impact sur les vignobles français, notamment dans le sud du pays (1).

Dans le secteur forestier, en revanche, la hausse de la teneur en gaz carbonique dans l’air devrait, du moins à court et moyen terme, augmenter la productivité végétale. Un optimisme tempéré par l’impact possible des périodes de sécheresse, notamment en raison de la multiplication des feux de forêt. Les territoires concernés, aujourd’hui cantonnés dans le sud, le sud-ouest et en Corse, devrait gagner vers le nord, au fur et à mesure de la progression des températures.

Outres les incendies de végétation, les experts pointent aussi plusieurs risques naturels qui pourraient être accrus du fait d’une hausse des températures et des changements de précipitations: inondations, retrait-gonflement des argiles, glissements de terrains et avalanches. A urbanisation constate les modifications des sols argileux pendant les épisodes de canicule pourraient représenter des dommages d’un milliard d’euros par an, cinq fois plus qu’aujourd’hui. Surtout, la montée des océans pourrait concerner des centaines de milliers de français vivant sur des côtes basses, à commencer par le Languedoc-Roussillon où les dommages sont évalués à plusieurs dizaines de milliards d’euros à l’échelle d’un siècle.

En matière d’énergie, en revanche, la France profiterait d’un climat adouci qui lui permettrait d’économiser environ 3% de sa consommation énergétique annuelle. Mais les experts notent que ce mieux pourrait rapidement être effacé par la multiplication des climatiseurs, qui pourraient déplacer les pics de consommation de l’hiver vers l’été. De plus, les barrages hydroélectriques pourraient voir leur production baisser de 15% d’ici 2100.

L’impact financier des conséquences sanitaires de l’évolution climatique est, de l’avis des experts, particulièrement difficile à évaluer. Ils se sont appuyés sur deux événements, la canicule de 2003 -qui aurait engendré une perte de 500 millions d’euros pour la société française— et les inondations du Gard en 2002, dont la facture d’assistance psychologiques aux victimes s’élève à 234000 euros (près de 235 euros par personne).

Le secteur du tourisme devrait aussi souffrir du réchauffement en été, principalement au sud de la Loire. En revanche, il devrait profiter d’intersaisons plus agréables. Mais le véritable point noir se situe dans les Alpes: aujourd’hui 143 stations de ski bénéficient d’un enneigement fiable. Avec un de degré de plus, il n’en resterait que 123. A 4°C de plus, le ski ne serait possible que dans 55 stations.

La perte de biodiversité n’a pas été chiffrée de manière globale. Le rapport publié la semaine dernière cite néanmoins que les services rendus par la biodiversité rapporte 900 euros par hectare et par an dans les forêts, trois fois moins dans les prairies. Aucun chiffre n’est donné pour les récifs coralliens des DOM-TOM, mais les auteurs pointent l’extrême fragilité de ces espaces naturels.

Il reste que cette longue étude consacré à la France et à ses départements et territoires d’Outremer n’aura pas permis de donner une enveloppe global de chiffrage des coûts liés au réchauffement climatique en France. Le gouvernement ne peut donc que s’appuyer sur d’autres documents, plus fouillés, mais qui ont un lourd inconvénient: ils donnent des chiffres pour l’ensemble de la planète (pour les pays développés et en voie de développement). En 2006, le rapport Stern évoquait une fourchette de 1500 à 6000 milliards de dollars. Le rapport Parry publié cette année évalue la facture entre 1200 à 2400 milliards de dollars d’ici 2060. En attendant, selon le dernier bilan publié le 24 septembre par le Ministère français de l’écologie, 51 départements français sont concernés par un arrêté préfectoral qui restreint certains usages de l’eau.

Par Denis Delbecq • 27 septembre 2009

Reference Sciences Et Vie