Renforcement de la qualité au Liban

L'objectif du projet financé par l'UE est de permettre aux Libanais d'exporter plus, et par là même de contribuer au développement économique et social du Liban.


Antoine Ajoury - Beyrouth, L’Orient-Le Jour

En janvier dernier, le président de la République libanaise, Michel Sleiman, remettait le prix d'excellence de la qualité LEA (Lebanese Excellence Award) à sept entreprises libanaises lors d'une réception officielle au palais de Baabda, en présence du ministre du Commerce, Mohammad Safadi, et de Ali Berro, directeur du projet Qualeb, initiateur de cette récompense. Ce projet financé par l'Union européenne (UE) vise à former et à renforcer les capacités et les infrastructures nécessaires pour une meilleure qualité au Liban. Le projet a coûté plus de 17,1 millions d'euros répartis essentiellement en assistance, promotion, formation et équipement.

«Qualeb a vu le jour suite à l'entrée en vigueur du partenariat avec l'UE. L'Europe est un partenaire commercial central pour le Liban. 40% des importations libanaises proviennent des pays européens, tandis que le pourcentage des exportations est très inférieur», affirme Ali Berro. Et le déséquilibre va en s'accentuant. «En 1996 par exemple, 26% des exportations libanaises allaient en Europe, alors qu'elles sont tombées à 9% en 2004», ajoute M. Berro.

Une étude a donc été réalisée pour déterminer les raisons de la chute des exportations libanaises vers l'UE. Les résultats ont clairement pointé du doigt la mauvaise qualité des produits libanais, notamment par rapport aux critères européens. D'où la décision de l'UE de soutenir le Liban pour moderniser les infrastructures nécessaires à une amélioration de la qualité, d'abord pour les consommateurs libanais et ensuite pour améliorer le commerce. «Ces infrastructures - qui touchent aux domaines de la métrologie, des standards, des accréditations et du contrôle - sont parfois incomplètes, parfois désuètes et parfois même inexistantes», note Ali Berro.

«L'objectif du projet est de permettre aux Libanais d'exporter plus pour contribuer au développement économique et social du pays et créer par conséquent plus d'emplois», renchérit Franscisco Lopez-Menchero, responsable des projets de développement économique à la Délégation européenne à Beyrouth. Avec la globalisation et le désir du Liban d'adhérer à l'OMC, il est important de créer les conditions pour une meilleure compétitivité des produits libanais. «L'un des principaux axes sur lesquels nous pouvons travailler est la mise à niveau technique des produits libanais», ajoute-t-il, avant de préciser qu'à partir du moment où les produits libanais peuvent accéder au marché européen, ils peuvent accéder à quasiment tous les marchés, les pays européens étant les plus exigeants au niveau de la qualité.

Samobelt
Spécialisée dans la fabrication d'accessoires en cuir, la société Samobelt a participé au programme Qualeb. «Nous avons présenté un dossier pour participer au programme Qualeb et obtenir la norme ISO 9001 (norme relative aux systèmes de gestion de la qualité). Le processus, qui a pris un an, nous a permis de mieux nous organiser, de mieux gérer nos stocks et d'optimiser notre travail pour fabriquer des produits de meilleure qualité», explique Bassam Farshoukh, directeur général de Samobelt. «Au début, j'étais simplement séduit par l'obtention de la norme ISO, sans m'intéresser vraiment aux exigences organisationnelles de ce système. Mais aujourd'hui, je constate que ce programme a été bénéfique pour notre société à tous les niveaux», ajoute-t-il.

Grâce à Qualeb, le management de l'entreprise a été amélioré, ce qui a permis de mettre fin aux dépenses inutiles, tout en favorisant la mise en œuvre d'un planning scientifique et rationnel pour un rendement plus efficace. Selon M. Farshoukh, le gaspillage a diminué de près de 90%.

L'obtention de la norme ISO 9001 a en outre permis aux produits de Samobelt d'accéder à d'autres marchés. Les produits de cette société sont aujourd'hui distribués en Turquie et en Allemagne, alors que les exportations vers les pays du Golfe et de l'Afrique augmentent. Selon M. Farshoukh, les exportations de Samobelt tournaient autour de 40%, alors qu'elles avoisinent actuellement les 75% de la production, malgré la crise financière et économique internationale.

Roadster
Au Liban, 21 entreprises ont obtenu l'ISO 22000, une norme internationale relative à la sécurité des denrées alimentaires. «19 d'entre elles à travers Qualeb, donc près de 92% », affirme M. Berro. Une norme qui intéresse au plus haut point les Libanais alors que la question de la sécurité alimentaire fait régulièrement la une de l'actualité libanaise.

La chaîne de restaurants «Roadster» est l'une des entreprises ayant obtenu l'ISO 22000 avec l'appui de Qualeb qui a donné à la société les moyens de former ses employés et a fourni les informations théoriques et pratiques relatives à la sécurité des denrées alimentaires. «De début 2007 à l'obtention du certificat, en mai 2008, le projet Qualeb a continuellement mis à notre disposition des conseillers», ajoute Léa Naoufal, responsable de la sécurité alimentaire à Roadster. Elle note également que Roadster est l'un des premiers restaurants, non seulement au Liban mais également au Moyen-Orient, à avoir obtenu l'ISO 22000. Selon elle, les modifications et les transformations requises pour se conformer aux critères de l'ISO 22000 ont néanmoins coûté la bagatelle de 300000 dollars à l'entreprise.

«La rapidité avec laquelle nous avons appliqué ces normes revient principalement à l'appui inconditionnel du propriétaire de l'entreprise, Samer Chehlawi, conscient de l'importance de ce système et de l'aide fournie par le projet Qualeb, ajoute-elle. L'ISO est pour nous une garantie et une assurance internationale concernant la qualité de notre service et de nos produits, pour le consommateur libanais d'abord, et les clients étrangers ensuite, dans la mesure où l'ouverture d'autres branches dans d'autres pays sera facilitée par ce certificat. »

Unipak
Le projet Qualeb a également permis à des entreprises libanaises ayant des certificats internationaux d'obtenir une reconnaissance nationale de valeur, notamment avec le LEA (Lebanese Excellence Award). «L'importance de ce prix réside dans le fait qu'il encourage la compétition entre les entreprises libanaises pour produire une meilleure qualité et obtenir cette récompense prestigieuse au niveau national», explique M. Berro.

C'est le cas d'Unipak, l'un des sept lauréats de ce prix. «Unipak était certifié ISO 9001 bien avant la création du prix d'excellence de la qualité LEA, et ce pour répondre aux exigences de nos clients», affirme Dani Khoury, responsable du centre technique d'excellence au sein du groupe Indevco dont Unipak fait partie. Cette entreprise a une panoplie de certificats émis par plusieurs organismes étrangers prouvant la qualité de ses services et produits. Toutefois, aucun de ces certificats ne provient d'une institution nationale. «Les directeurs du groupe ont donc insisté pour participer à ce concours dans le but d'obtenir une reconnaissance locale, puisque nos produits sont également destinés aux consommateurs libanais», affirme M. Khoury.

«Le prix d'excellence a récompensé notre entreprise sur plusieurs points, dont notre relation avec les clients et la manière de traiter les plaintes, le travail des ressources humaines au sein de l'entreprise et le rendement efficace de l'usine sur le plan technique», explique Nazha el-Habr, responsable au sein des «managements systems» d'Unipak. «Notre participation au LEA nous a également permis d'améliorer nos résultats, puisque les inspecteurs venus contrôler notre entreprise nous ont donné un point de vue extérieur indépendant et professionnel», ajoute-t-elle. «Cette récompense prouve, en outre, notre engagement réel et profond pour une meilleure qualité dans tous les domaines, de gestion, d'environnement et de sécurité, et surtout notre engagement à vis-à-vis de l'industrie libanaise», poursuit Edgar Bou Kheir, coordinateur marketing au sein du groupe.

«Unipak est déjà sur le marché depuis 50 ans. Mais ce prix représente une valeur ajoutée et pourrait nous permettre d'avoir de nouveaux clients et de fortifier les relations avec les anciens partenaires», conclut M. Khoury.

Le temps presse
Si, au niveau des entreprises, les résultats de Qualeb sont particulièrement probants, le projet ne peut atteindre son plein rendement que si des réformes législatives sont adoptées. Or, ces réformes peinent à se concrétiser, notamment en raison de l'instabilité politique qui handicape trop souvent le développement du Liban. «Les Libanais auraient pu profiter davantage du projet si le processus législatif avait été plus rapide. Le marché n'attend pas. Les concurrents du Liban sont en train de réformer leurs structures et d'étendre leurs marchés plus rapidement», affirme M. Lopez-Menchero. Les Européens soutiennent en effet d'autres pays sur le plan régional ou bilatéral. Et M. Lopez-Menchero d'insister sur le fait que la qualité n'est pas un luxe pour les Libanais, c'est un besoin. Tous les pays voisins (Égypte, Syrie, Israël) sont en train de développer des produits très compétitifs, très attirants. «Il s'agit là d'une course de fond. Il est du ressort des Libanais de faire un effort, et il faut vraiment se dépêcher», conclut Franscisco Lopez-Menchero.
 

Les trois composantes du projet
Le projet est divisé en trois composantes. La première composante vise à préparer des propositions relatives aux lois et réglementations sur la qualité. «Nous avons présenté un projet visant à amender la loi existante sur la métrologie afin de la moderniser. Nous avons également préparé un projet de loi concernant l'accréditation et un projet de loi relatif à la sécurité alimentaire est actuellement au Parlement», explique Rita Féghali de Qualeb. D'autre part, ce projet a formé un grand nombre de fonctionnaires impliqués directement dans ce domaine, dont des inspecteurs des ministères de la Santé, du Tourisme et du Commerce, ainsi que des membres d'ONG comme Consumers Lebanon.

La deuxième composante est très technique. Elle comprend notamment un soutien aux laboratoires libanais. Avant 2004, il y avait un seul laboratoire accrédité internationalement. «Suite à ce projet, qui a déboursé pour cette composante près de 5 millions d'euros entre formation et équipements, 16 laboratoires du secteur privé, public et de différents domaines ont bénéficié de nos activités, et 5 ont été accrédités. Ce qui est un succès indéniable pour nous», ajoute Mlle Féghali. «L'un des aspects les plus visibles du projet était l'équipement des laboratoires. L'idée étant de permettre aux Libanais eux-mêmes de certifier la qualité de leur production. Ainsi, les tests coûtent moins cher et prennent moins de temps», explique Francisco Lopez-Menchero.

Qualeb a également fourni une assistance importante à Libnor (Lebanese Standards Institution) à travers la formation de comités techniques pour devenir membre de l'ISO et du CEN. Tout est également prêt pour la création de Colibac (Lebanese Accreditation Council).

La troisième composante concerne les entreprises du secteur privé. Elle vise à créer une prise de conscience sur l'importance de la qualité. Pour ce faire, des conférences et des séminaires ont été organisés dans les écoles et les universités, des brochures ont été publiées, un site Web interactif a été créé, et une bibliothèque comprenant pas moins de 400 ouvrages a été mise en place.

En 2010 doit débuter la troisième phase de Qualeb, dont la première phase avait été lancée en octobre 2004. Cette troisième phase concernera notamment l'application des lois en vigueur et sera essentiellement consacrée au secteur public qui doit être un partenaire efficace du secteur privé. Qualeb 3 va également se concentrer sur la protection des consommateurs et consolider l'infrastructure de la qualité au niveau national, notamment Libnor et Colibac. 


Consulter la fiche projet: Projet «qualité» (Liban)

Reference Eurojar.org