Annonce, aujourd’hui, de la réouverture de la MTV

 

Annonce, aujourd’hui, de la réouverture de la MTV, « chaîne de la majorité silencieuse »

 

La fermeture de la « Murr TV », dite MTV, en septembre 2002 a été l’un des chapitres les plus noirs de la cabale contre les médias au Liban à l’époque de la tutelle syrienne. Et malgré l’abolition de sa suspension en 2005, ses portes sont restées fermées. Jusqu’à aujourd’hui.
C’est au cours d’une conférence de presse qui se tiendra aujourd’hui que la réouverture de la MTV sera définitivement annoncée. Elle devrait avoir lieu le 31 mars, date anniversaire du premier journal télévisé diffusé en 1995, comme nous le précise le PDG de la chaîne, Michel Gabriel Murr. On évoque déjà la composition de la nouvelle équipe de la chaîne, ses programmes, ses sources de financement, son orientation politique, le timing de sa réouverture, trois ans après l’amendement du fameux article 68 de la loi électorale qui avait mené à sa fermeture…
Quoi qu’il en soit, c’est un épisode très noir qui resurgit avec la réouverture de cette chaîne de télévision, qui affichait ouvertement ses opinions antisyriennes à une époque où l’armée syrienne et ses services de renseignements régnaient encore en maîtres sur le Liban.
Le 4 septembre 2002, à 17h, le tribunal des imprimés, qui avait le droit de condamner une institution donnée sans même écouter les arguments de la défense, ordonne la fermeture « définitive et sans appel » de la MTV et de Radio Mont-Liban. Les racines de ce jugement péremptoire et arbitraire sont à chercher deux mois plus tôt, à l’occasion de la campagne électorale menée par le propriétaire de la MTV, Gabriel Murr, contre sa nièce, Myrna Murr Aboucharaf, fille de son frère le député Michel Murr, lors de la partielle du Metn, organisée après le décès du député Albert Moukheiber. Cette bataille, Gabriel Murr l’avait alors gagnée, mais finalement, son élection sera invalidée, et c’est Ghassan Moukheiber, neveu du député décédé, qui occupera le siège vacant sur décision, par ailleurs contestée, du Conseil constitutionnel.
La MTV avait donc été condamnée, officiellement, en raison de son rôle dans la campagne électorale deux mois plus tôt, mais les observateurs avaient noté que c’est pour sa couverture des activités du mouvement estudiantin souverainiste, notamment la retransmission de la répression brutale des manifestants le 7 août 2001, que la chaîne avait finalement été condamnée. Le jugement avait également provoqué de nombreuses manifestations, sachant qu’en ce fameux jour de septembre, les employés avaient été traités sans ménagement par les forces de l’ordre.
La MTV rouvre bientôt ses portes, donc, mais il faut préciser que sa « libération », suite à l’amendement de ce fameux article 68 de la loi électorale qui ouvrait la voie à une sévère pénalisation des médias, ne date pas d’hier, mais bien d’août 2005, dans la foulée de tous les événements de cette année-là : manifestations géantes ayant suivi l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri (notamment le fameux 14 mars), retrait des troupes syriennes, retour du général Michel Aoun, libération de Samir Geagea, élections législatives… C’est à son domicile de Naccache que Gabriel Murr avait alors reçu la bonne nouvelle du vote de la Chambre des députés. Il avait réuni ce jour-là sa famille et ses employés, et l’annonce du vote avait été accueillie par une explosion de joie. Michel Gabriel Murr s’était alors adressé aux employés, leur affirmant que l’heure du travail est revenue.

« Rien à voir avec les élections »
Que dit Michel Gabriel Murr aujourd’hui, après plus de trois ans, sur la réouverture de la chaîne ? Pourquoi avoir attendu si longtemps et pourquoi ce timing ? M. Murr précise à L’Orient-Le Jour que la date d’ouverture était en principe prévue pour septembre 2006, à la date précise de la fermeture forcée de la chaîne en 2002, mais qu’elle a été retardée tout ce temps en raison de la guerre israélienne de juillet de cette même année, et l’atmosphère qui a régné après, ce qui décourageait les investissements. « Après l’accord de Doha, nous avons repris confiance, indique-t-il. À cela s’ajoute la demande du public, qui veut un porte-parole de la majorité silencieuse. »
Certains lient le timing de la réouverture de la chaîne aux prochaines élections législatives, qui doivent se tenir en juin. Qu’en est-il ? « Nous travaillons jour et nuit à la réouverture de la MTV depuis l’accord de Doha, et les élections n’ont rien à voir là-dedans », souligne M. Murr. Est-il vrai que d’éventuelles pressions avaient empêché la MTV de relancer son activité jusque-là ? « Personne ne peut empêcher la rediffusion de la MTV, affirme-t-il. Nous avons payé le prix fort pour que l’article 68 soit amendé et qu’il cesse d’être une épée de Damoclès pour tous les médias. On n’est plus au temps de la tutelle syrienne. »
Beaucoup de rumeurs courent concernant d’éventuelles sources de financement de la chaîne après sa réouverture. « Je tiens à préciser que les actionnaires de la chaîne sont toujours les mêmes, répond M. Murr. Nous avons augmenté le capital, mais avec les mêmes partenaires, le même conseil d’administration… »
Quelle sera l’orientation politique de la nouvelle chaîne, dans un paysage médiatique encore plus complexe ? « Une chaîne n’est pas supposée adopter une orientation politique, dit-il. Ce qui nous différenciera des autres, c’est que nous resterons neutres, mais engagés en faveur de nos principes et nos valeurs qui sont demeurés inchangés, refusant de servir d’outil de propagande. » M. Murr décrit la MTV comme « une chaîne citoyenne, à l’identité profondément libanaise ».
Il semble que la reprise de la MTV se fera en deux étapes, la première, à partir du 31 mars, principalement axée sur la politique, et la seconde, à partir de fin septembre ou début octobre, lorsque le divertissement prendra une place plus prépondérante.
Quelles seront les figures de proue de la MTV ? M. Murr explique tout d’abord que la priorité est donnée aux anciens, et que la chaîne essayera de récupérer le plus grand nombre possible de ses anciens journalistes. Il précise cependant que Ghayyath Yazbeck reprendra son poste de directeur de l’information, et que Walid Abboud, actuellement journaliste à la LBCI, sera rédacteur en chef.

 

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