Passer aux lampes a basse consommation

Passer aux lampes à basse consommation

Les lampes à économie d'énergie ont été beaucoup améliorées. La réticence vis-à-vis des lampes fluocompactes, notamment, n'est plus justifiée.
Georges ZISSIS

Dès septembre 2009, conformément à une directive européenne, les lampes à incandescence de plus de 100 watts disparaîtront des rayons des magasins. D'autres types de lampes seront progressivement éliminés d'ici 2012. La directive impose aussi un certain nombre de critères qui garantissent la qualité des lampes à économie d'énergie, évitant ainsi l'envahissement du marché par des mauvais produits. Elle va donc dans le bon sens, en aspirant à une transformation durable et saine du marché. Et pourtant, elle a donné lieu à une polémique, suscitée plutôt par des personnes à sensibilité écologiste que par des eurosceptiques.

Que reproche-t-on aux lampes à économie d'énergie ? Les griefs sont-ils justifiés ? Essayons de présenter des arguments objectifs, tout en précisant bien qu'il ne s'agit pas ici de faire le jeu des industriels ou d'autres cartels associés.

Commençons par décrire le contexte énergétique à l'origine des décisions d'éliminer les lampes classiques. L'éclairage représente 19 pour cent de la consommation électrique annuelle mondiale - soit plus de 2 650 milliards de mégawattheures d'électricité. La production de cette électricité est responsable de l'émission de 1 300 millions de tonnes de gaz à effet de serre (elle crée aussi quelques kilogrammes de déchets radioactifs dans les pays, telle la France, où le secteur électronucléaire est bien présent).

Le retour à la bougie ou à la lampe à pétrole est inacceptable, et de toute façon ne constitue pas une solution écologique : environ 1,6 milliard d'habitants n'ont pas accès à l'électricité et s'éclairent avec des lampes à kérosène, qui émettent quelque 500 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an. Avec la croissance démographique et l'électrification progressive, on estime qu'en 2030 les besoins en électricité pour l'éclairage doubleront ou presque. Des mesures concrètes d'économie d'énergie s'imposent donc rapidement.

Le secteur résidentiel représente à lui seul 30 pour cent de la consommation électrique pour l'éclairage. Et l'efficacité moyenne des lampes utilisées dans les foyers est plus que médiocre. En France, par exemple, chaque foyer est équipé en moyenne de 22 lampes, dont seulement cinq sont des lampes à économie d'énergie. C'est bien peu et, malgré des campagnes de promotion menées depuis plusieurs années, ce nombre stagne. La situation n'est guère meilleure dans d'autres pays européens.

Pourquoi cette situation ? Parce qu'il y a eu une volonté prématurée de pousser les consommateurs à utiliser des lampes à basse consommation alors que le produit était encore immature, affligé de défauts de jeunesse : lumière froide, temps de montée en luminosité très long, forme disgrâcieuse, etc. Ces défauts sont aujourd'hui corrigés ; il existe des produits fiables, mais le consommateur garde le goût amer de ses premiers essais. En outre, le marché a été de plus en plus pollué par des produits de mauvaise qualité, ce qui n'a fait qu'amplifier la réticence vis-à-vis de ces lampes.

Dans ce contexte, les mesures d'incitation et de promotion ont atteint leurs limites, et la réglementation devient une nécessité. C'est ainsi que la Commission européenne a décidé, comme d'autres pays (notamment l'Australie, la Californie, Cuba), de bannir des lampes à incandescence ainsi que d'autres types de lampes énergivores.

Rappelons que le terme de lampe à économie d'énergie ne fait pas uniquement référence aux lampes fluocompactes ; il inclut certaines lampes à incandescence dites de haute efficacité, la toute dernière technologie fondée sur les diodes électroluminescentes (led) ainsi que les lampes aux iodures métalliques de basse puissance.

La plupart des griefs rencontrés dans la presse et sur la Toile ne visent que les lampes fluocompactes, bien que certains puissent, à la réflexion, s'appliquer aux autres lampes.

L'une des critiques est que les lampes fluocompactes contiennent du mercure et seraient donc dangereuses pour l'environnement et pour la santé. C'est à la fois vrai et faux. Elles contiennent du mercure (en moyenne trois milligrammes par lampe). Mais 90 pour cent de l'impact environnemental d'une lampe est lié à la consommation d'énergie durant son fonctionnement (la combustion du charbon ou du pétrole pour produire de l'électricité relâche aussi du mercure dans l'atmosphère). Or pour produire la même quantité de lumière, une lampe fluocompacte sera responsable de l'émission de 1,5 à 3 milligrammes de mercure dans l'air, tandis qu'une lampe à incandescence en relâchera dix. Par ailleurs, tous les pays européens ont mis en place un système de recyclage (une lampe fluocompacte est recyclable à 97 pour cent), de sorte que le mercure reste en circuit « fermé ».

Autre grief entendu : les lampes fluocompactes produisent du rayonnement électromagnétique. C'est vrai, mais cela l'est aussi de tout appareil électronique (téléviseur, ordinateur, lampe à led, etc.) doté d'une « alimentation à découpage ». La fréquence du rayonnement est de l'ordre de 40 à 100 kilohertz, bien plus basse que les fréquences de la téléphonie mobile. Et son intensité décroît de façon exponentielle avec la distance, de sorte qu'elle n'est plus mesurable à plus de 20 centimètres de la lampe. Le risque est donc inexistant.

Un troisième reproche est qu'en remplaçant les lampes à incandescence (dont la puissance est en grande partie perdue en chaleur) par des lampes fluocompactes, il faudrait chauffer davantage nos habitations. Cet argument n'est pas valable pour la plupart des habitations, très mal isolées thermiquement. Les lampes se trouvent le plus souvent à proximité du plafond et l'air chaud monte : le plafond seul est chauffé et, comme il est mal isolé, la chaleur se perd. Et même si l'isolation était bonne, on pourrait objecter qu'en gardant les lampes à incandescence durant l'hiver, on gagnerait en chauffage, mais que l'été il faudrait évacuer la chaleur qu'elles produisent...

On pourrait énumérer ainsi de nombreux faux arguments. Dans tous les cas, la conclusion qui s'impose est que l'installation de lampes efficaces et de qualité est une bonne action pour l'environnement. Enfin, ne nous cachons pas derrière l'argument « attendons les lampes à led, bien plus efficaces, qui arriveront bientôt ». Les led constituent sans doute la technologie d'éclairage du futur, mais elle est pour le moment immature pour l'éclairage général. Laissons-lui le temps de mûrir, sous peine de déceptions similaires à celles qu'ont suscitées les premières lampes fluocompactes

Reference Pour La Science