Entre le mythe et la réalité

Une légende libanaise raconte que près du village d’Ehmej, dans le district de Jbeil (Byblos), se dresse un pic nommé la « Corne » de Hafroun (Qornat Hafroun).

Hafroun et Nafroun sont deux demi-dieux jumeaux nés sur ce sommet étroit et aride.

 

Or Hafroun, comme son nom l’indique, est celui qui « creuse » (hafar) le roc, laboure et pioche ; en vain le fait-il ; on le trouvera un jour mort de faim, de froid et de misère sur son rocher stérile.

Son frère Nafroun, comme son nom le suggère, avait émigré au loin, (nafar) cherchant fortune ailleurs ; la mer l’emporte dans l’inconnu ; on en perd la trace ou, il perd lui-même le chemin du retour.

 

Selon l’historien maronite, le Père Michel Hayek, toute l’histoire des Maronites dans leur rapport avec leur terre est condensée dans cette légende. Sur la terre des dieux, il y a les Hafroun, ces Maronites accrochés à leurs montagnes qu'ils s’acharnent à creuser et à cultiver en bravant les intempéries de la nature et les hostilités des hommes. Mais il y a aussi les Nafroun, ces Maronites émigrés qui se sont aventurés au-delà des mers.

 

Tout l’enjeu des Maronites consistera à infirmer la légende par l’histoire, à démentir le mythe par la réalité, à briser la fatalité pour faire en sorte que les Hafroun, les Maronites du Liban, ne meurent pas de misère sur leur montagne, et que les Nafroun, leurs frères émigrés, ne perdent pas la mémoire de la terre dans l’anonymat du monde.

 

Par Maroun Tarabay