Douma, un beau village du Mont-Liban à l’histoire mouvementée

Douma, village de charme
un patrimoine préservé au Liban

Douma, petit village du caza de Batroun, est la destination incontournable des amoureux du calme, de la marche et de la nature. Différents circuits de randonnées à travers bois, collines et vallées offrent par la même occasion la possibilité de découvrir une région riche en temples païens, couvents et vieilles églises. Ayant su préserver son vieux souk et ses 240 maisons traditionnelles, désormais classés comme faisant partie du patrimoine national, Douma a échappé, comme par miracle, au modernisme qui a atteint les coins les plus reculés de la montagne libanaise. C'est sans doute une destination rêvée au Liban pour les adeptes de plus en plus nombreux de l'écotourisme.
Visite guidée, l’espace d’une journée, dans ce charmant village qui vit durant trois semaines du mois d’août au rythme de son festival.



Douma, un beau village du Mont-Liban à l’histoire mouvementée
Un livre de Mazen Abboud


Hiver 2008- «Comme qui aurait besoin d’une course à Douma. » Ce proverbe libanais signifie que celui qui ne peut s’acquitter facilement d’une course se trouvera obligé de passer par Douma, un beau village des hauteurs du Batroun. Si cela n’est plus vrai de nos jours, ce proverbe montre bien que ce village, considéré aujourd’hui comme éloigné, a été durant des siècles une place centrale, très fréquentée parce que situé sur la route qui reliait l’intérieur syrien à la côte. C’est à Douma, à son histoire, à ses anecdotes, à son souk, à ses gens, à ses jolis toits en tuile et à sa nature belle et revêche que l’un de ses fils, Mazen Abboud, dédie un livre qui ressemble fort à une lettre d’amour.
Douma, l’histoire d’un village du Levant, est un livre qui se veut de toute évidence la somme de tout ce qui peut être rassemblé comme informations sur ce village typique du Mont-Liban, l’un des seuls à avoir gardé un cachet aussi caractéristique. L’ouvrage est riche en photos, qu’elles soient d’époque ou contemporaines. Il allie les informations purement historiques aux histoires racontées de père en fils, comme aux anecdotes véridiques, à l’instar de ce vieillard qui a refusé de s’approcher de la première voiture du village, criant à qui voulait l’entendre : « C’est la machine du diable qui va vous détruire, anéantir l’univers et paralyser la vie ! » Les écologistes ne seraient pas loin de cet avis actuellement… Ou encore cette bande de jeunes illuminés qui comptaient planifier un soulèvement communiste aux États-Unis à partir d’un grenier, avant d’être découverts pour avoir causé un incendie dans leur lieu de réunion et de devenir la risée du village !
Certes, dans certaines de ses parties, le livre devrait intéresser davantage les personnes originaires du village que le grand public, comme pour le détail des familles ou l’histoire des différents chefs de municipalité. Mais dans l’ensemble, il est clair que l’histoire de ce village résume en quelque sorte l’histoire mouvementée du Mont-Liban, et s’y incruste parfaitement, d’où l’intérêt, pour un public plus large, de s’y attarder.
Ainsi, l’auteur commence par élaborer les éléments dont il dispose sur des époques lointaines, qu’elles soient imaginées (légende de la naissance du village) ou réelles. Il semble notamment que Douma ait été habitée et prospère dès les ères grecque et romaine, et que sa position géographique, centrale pour l’époque, lui ait conféré depuis ce temps-là un rôle important. À l’instar d’autres localités du Mont-Liban, Douma a aussi souffert de persécution et de graves retournements de situation à des époques diverses (croisades, mameloukes, occupation ottomane, Première et Seconde guerres mondiales). Mazen Abboud rapporte l’histoire de « la calamité de Kashlak », quand le massacre, par des hommes du village, d’un groupe de préposés ottomans a causé la quasi-destruction de Douma, au dix-septième siècle.
Une importante partie de l’ouvrage est dédiée aux familles, aux métiers et, surtout, au souk qui fit la réputation de Douma. Ainsi, l’on apprend que cette localité, qui n’a jamais été gâtée en ressources hydrauliques, a toujours privilégié les industries à l’agriculture. Forgerons, savonniers, armuriers, fabriquants de soieries, commerçants divers… ont peuplé le village et conféré à son souk une réputation qui dépassait de loin ses murs. Si l’on y ajoute les cafés et l’organisation assurée par le conseil municipal, l’un des premiers de tout le Mont-Liban, on comprend bien la période dorée vécue par ce souk au dix-neuvième siècle, puis au vingtième siècle, jusqu’au développement des grandes villes côtières qui a plongé toutes les localités « de l’intérieur » dans l’oubli.
Douma, c’est aussi plusieurs communautés chrétiennes qui coexistent, notamment une importante communauté orthodoxe qui a, depuis toujours, entretenu une relation privilégiée avec la Russie, si bien que le village conserve toujours un portrait d’époque du dernier tsar, ainsi que le « salon rouge » qui appartenait au consulat de ce pays à Beyrouth, avant l’ère bolchévique. Douma, c’est enfin un lieu de culture, tel que dépeint par l’auteur, qui rapporte que le village a abrité l’un des premiers théâtres du pays, et aussi un lieu où la société civile est active depuis plus d’un siècle. Un village qui est resté plutôt neutre durant la guerre civile, sans être à l’abri des divisions politiques, surtout depuis quelques années. Quant à la belle architecture traditionnelle qui caractérise Douma, elle est bien visible dans les photos.
L’ouvrage est publié en langue arabe, avec un résumé en anglais. Il est abondamment illustré et se lit aisément. Son auteur, Mazen Abboud, est connu pour son engagement en faveur de l’écologie et du patrimoine. Il a réussi à faire de son ouvrage un concentré d’informations, de traditions et d’anecdotes qui, autrement, avec l’éloignement des origines que l’on observe actuellement au Liban, se perdraient.

Article de Suzanne BAAKLINI pour L'Orient-Le Jour

Link: http://www.libanvision.com/douma.htm